L’utilisation de la symbolique sexuelle sur les chimères des églises

Partout ou presque, à l’extérieur comme à l’intérieur des édifices religieux du Moyen Age, on trouve desreprésentations d’animaux. Gravées dans les pierres, la plupart des sculptures bien mises en valeur, sont très visibles sur les tympans ou les chapiteaux. Car le chemin suivi dans un édifice doit devenir un parcours initiatique de sorte que, de chapiteau en chapiteau, de pilier en pilier, un dialogue s’établisse entre celui qui marche et les pierres qui le guident.

D’autres sculptures se dissimulent dans des endroits plus discrets. Comme les stalles de bois où les bêtes se cachent sous les sièges, les modillons, ces éléments sculptés soutenant les corniches ou encore entre deux arcs.

Cette grande fresque d’images qui est notre Patrimoine, permet une approche d’un art resté, malgré les siècles, étonnamment vivant.

Les animaux mystérieux

Les chimères et créatures hybrides, résultant du mélange de plusieurs animaux ou de l’union entre l’être humain et l’animal, sont souvent perçues comme des représentations d’êtres humains inachevés, symbolisant le vice et le mal.

Depuis l’époque de l’art pariétal du paléolithique supérieur, l’humanité a constamment ressenti le besoin, à travers le monde animal, d’exorciser ses peurs et de transposer dans ces créatures ses qualités, défauts, forces, carences, ainsi que sa volonté de domination. Au-delà de son rôle nourricier, l’animal est devenu un puissant miroir allégorique reflétant la nature humaine. On pourrait ainsi affirmer que le symbolisme animal ne représente pas seulement les animaux en tant que tels, mais plutôt l’idée que l’homme s’en fait, et peut-être même l’image qu’il a de lui-même.

Les animaux ont la capacité de communiquer tant de choses à chacun d’entre nous, offrant des réflexions profondes à la fois sur eux-mêmes et sur notre propre nature.

Le message des pierres, lieux d’énergie L’art roman illustre de manière inégalée les liens entre l’homme et l’animal. Les sculpteurs se sont appropriés cette pédagogie en utilisant non seulement le message biblique de la création, mais aussi l’ensemble des contributions contemporaines qu’ils ont façonnées pour nous transmettre un message spirituel profond.

L’église est, par excellence, le lien entre le monde visible et le monde invisible. Elle va bien au-delà d’une simple œuvre d’art ; c’est une machine capable de générer et de guérir, fonctionnant non seulement sur le plan physique, mais également sur les plans de la connaissance, du vital au spirituel. Elle constitue également un lieu de prière.

La force des moines bâtisseurs réside dans leur capacité à concilier la science et le sacré. Ils savaient ouvrir la voie à ceux qui étaient libres de cœur pour accéder à l’extraordinaire feu divin des forces spirituelles.

Cependant, les représentations de chimères peuvent varier selon les cultures et les époques. Cela se manifeste généralement par des détails tels que des muscles saillants, une musculature développée, des traits faciaux plus anguleux ou une barbe ou autres…. Des attributs masculins peuvent souligner la puissance et la force des chimères, et être utilisés pour symboliser différentes significations, selon le contexte culturel et artistique dans lequel elles sont créées.

Nous voyons que les compagnons et les moines bâtisseurs, qui maitrisaient la géobiologie avaient une symbolique pour chaque caractéristique qu’elle soit du tellurisme ou du cosmique. Dans leur sagesse, ils nous ont laissé un enseignement de vie à redécouvrir dans chaque sculpture, leurs vibrations sont là pour nous révéler, nous enseigner et nous transformer. Au-delà de ces généralités, la symbolique existe dans de nombreux points de la construction ou de l’ornement. Visiter une église et en comprendre la structure implique donc de connaître les bases qui ont présidé à sa construction ainsi que la signification de certaines représentations.

Il est vrai que la présence de sculptures érotiques dans des églises et chapelles romanes est un fait largement connu parmi les historiens de l’art. Ces sculptures se trouvent souvent sur des chapiteaux, des gargouilles et des modillons, et elles représentent fréquemment des scènes d’accouplements ou des organes sexuels masculins et féminins. Cependant, il convient de noter que les scènes érotiques ne sont pas l’unique sujet représenté dans l’art roman, bien qu’elles soient souvent considérées comme le vice le plus représenté.

Pendant longtemps, ces sculptures ont été ignorées ou évitées par les chercheurs et les spécialistes de l’art. Leur présence a souvent suscité des réactions variées et parfois surprenantes. Certains ont choisi de passer complètement sous silence ces images, tandis que d’autres sont restés captifs de schémas culturels traditionnels et ont interprété ces représentations de manière moralisatrice.

Il convient de souligner que les attitudes envers l’art et la sexualité ont évolué au fil du temps, et ce qui pouvait être perçu comme scandaleux ou tabou à une époque donnée peut être considéré différemment aujourd’hui. L’étude et l’interprétation de ces sculptures érotiques dans l’art roman continuent d’être un sujet de recherche et de débat parmi les historiens de l’art, contribuant ainsi à une meilleure compréhension de cette période artistique fascinante.

Elles seraient les gardiennes du Bien: c’est-à-dire des églises.

Elles éloigneraient les forces du mal: esprit malin, êtres démoniaques, les non chrétiens.

Elles protègeraient la maison de Dieu et ses fidèles et mettraient en garde les chrétiens contre les tentations de l’extérieur. Leur aspect terrifiant, leurs grimaces et leur férocité avaient pour but d’effrayer le Mal.

Ces œuvres érotiques sont un sujet controversé et intrigant de l’art médiéval. Ces sculptures se trouvent principalement dans les églises romanes d’Europe, datant de la période médiévale, généralement entre les 11e et 12e siècles. Les églises romanes sont connues pour leur architecture massive et leurs sculptures ornementales, mais parmi ces sculptures, on trouve des représentations érotiques.

Il est important de noter que l’art médiéval était souvent très symbolique, et ces sculptures dans les églises romanes n’étaient pas nécessairement destinées à des fins érotiques, mais plutôt à transmettre des messages spirituels, moraux ou didactiques. Voici quelques points clés à prendre en compte :

  • Symbolisme : Les sculptures érotiques dans l’art roman, étaient souvent utilisées pour symboliser des concepts religieux ou moraux. Par exemple, elles pouvaient représenter le péché et la tentation, la lutte entre le bien et le mal, ou l’importance de la chasteté. Ces images étaient soit disant destinées à rappeler aux fidèles les conséquences du péché et l’importance de mener une vie vertueuse.
  • Éducation religieuse : Dans une société où la plupart des gens étaient analphabètes, l’art était un moyen important d’enseigner des leçons religieuses. Les sculptures érotiques pouvaient peut-être servir de support visuel pour illustrer des histoires bibliques ou morales.
  • Influence païenne : Il est également important de noter que les sculptures érotiques dans les églises romanes peuvent parfois être liées à des influences païennes antérieures. Dans certaines régions, l’art chrétien a incorporé des éléments iconographiques préchrétiens, ce qui peut expliquer la présence de certaines représentations érotiques.
  • Définitions changeantes : Ce qui est considéré comme érotique ou obscène dans l’art dépend souvent des normes culturelles de l’époque. Ce qui pourrait sembler provocant pour nous aujourd’hui pouvait être interprété différemment à l’époque médiévale.

Il est important de noter que ces sculptures ne se trouvent pas dans toutes les églises romanes, et leur présence varie d’une région à l’autre. Elles ne sont qu’une petite partie de l’ensemble de la décoration des églises romanes, qui comprenait également de nombreuses autres sculptures religieuses et narratives.

Il est difficile d’imaginer que ces sculptures sont le résultat d’une « totale liberté » de l’imagier, qui les créait à sa guise, selon son humeur, comme s’il s’adonnait à des farces personnelles, et non pas des marges. En d’autres termes, il est clair que l’imagier n’avait aucun programme prédéfini en dehors de son caprice ou de sa vengeance personnelle.

Les représentations de différents évêques sont des exemples parlants.

En réalité, à travers les représentations d’évêques, l’intention n’est pas de critiquer une personne en particulier, mais plutôt de stigmatiser une catégorie de personnes, ce qui est encore plus préoccupant.

Dans l’église de Givrezac (Charente maritime), il s’agit d’un évêque exhibitionniste qui mange une sorte d’hostie ronde. Cette représentation ne peut se comprendre que dans le cadre du « renversement des rôles » à l’occasion de la fête des fous : le faux évêque qui dit une fausse messe parodique.

D’autres images d’évêques « déviants » font sporadiquement leur apparition, soulignant ainsi que c’est bien une catégorie de personnes occupant une fonction qui est visée.

La chimère de l’église St Honorat à Arles

Chimères Etymologie et origine du latin « chimaera », nom d’un monstre mythologique Dans la mythologie grecque, la chimère est une créature fantastique malfaisante. Elle est généralement décrite comme un hybride avec une tête de lion, un corps de chèvre, et une queue de serpent. Elle fut tuée par le héros Bellérophon chevauchant le cheval ailé Pégase. Le nom de chimère a été repris et étendu pour désigner toutes les créatures hybrides possédant les attributs de plusieurs animaux. Chimères désigne aussi les rêves, les fantasmes et les utopies impossibles.

Celle qui nous intéresse, n’est pas du 11 eme ou 12 eme siècle. Elle est sur un mur du 16 eme, mais à mon avis elle est sans doute encore plus récente.

Il n’y a pratiquement pas de trace d’érosion sur son ensemble. Elle a été restaurée car une feuille de plomb recouvre sa partie supérieure.

Il est possible aussi qu’elle a remplacé une originale abimée par le temps.

Sa position à l’intérieur de l’église originale ne correspond pas aux différents critères évoqués par les historiens. Même si de nombreuses sculptures érotiques meublent des chapiteaux d’églises et de chapelles, des gargouilles et des modillons, une chimère à l’intérieur d’un édifice est rarissime.

Elle surplombe l’entrée actuelle de l’église, comme pour effrayer l’arrivant.

Ses attributs masculins sont à la fois bien en vue, mais de façon discrète.

Conclusion

Au-delà de la diversité des représentations, l’art roman dans les églises offre une fenêtre sur les croyances, les enseignements et les symboliques de cette époque. La signification des sculptures érotiques, souvent mal interprétée, doit être contextualisée pour appréhender pleinement la richesse de cet héritage artistique.

Michel, chercheur de l’invisible.

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